L’échec fait partie du quotidien du fundraiser. Un prospect qui nous balade par téléphone, un rendez-vous avec un grand donateur qui s’est mal passé, un mécène qui nous retire son soutien avec de faux prétextes… Les exemples ne manquent pas ! La capacité d’un fundraiser à « encaisser l’échec » serait-elle toute aussi importante que sa capacité à « encaisser les chèques » ?
La présente Parenthèse puise son inspiration du livre du philosophe Charles Pépin « Les Vertus de l’échec » (Editions Allary, 2016).
L’échec est un remède aux multiples vertus
Il peut paraître paradoxal de parler de l’échec comme d’un remède.
Souvent mal vécu, il peut laisser un goût amer, un sentiment de déception, voire de culpabilité, qui s’apparente plutôt à une punition qu’à une récompense. A un poison plutôt qu’à un remède.
Pourtant, l’échec comporte de multiples vertus.
Si l’échec est aux fondements de toute démarche scientifique et artistique, il nous apprend à oser, corriger, recommencer. La philosophie nous éclaire d’ailleurs sur les vertus de l’échec.
Pour les philosophes existentialistes, un échec nous permet de nous construire, de faire l’exercice de notre liberté, de « devenir ». Pour les psychanalystes, il permet de se poser la question de notre désir profond, de notre « essence ». Enfin, pour les philosophes stoïciens, l’échec est une confrontation au réel qui nous invite à accepter ce qu’on ne peut changer pour se concentrer sur ce qu’on peut changer.
Parmi ces nombreuses vertus, trois vertus peuvent aider le fundraiser dans son quotidien.
Vertu n°1 : l’apprentissage
Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends.
Nelson Mandela
La première vertu de l’échec, et pas la moindre, est l’apprentissage. Si les succès sont plus agréables que les échecs, ils sont cependant bien moins riches en apprentissages. Les entrepreneurs de la Silicon Valley ont d’ailleurs adopté l’adage « fail fast, learn fast » comme un impératif pour aller plus rapidement vers le succès de leur démarche entrepreneuriale.
En d’autres termes, un mécène qui nous quitte, c’est une opportunité pour essayer de mieux comprendre ce que l’on pourrait améliorer :
- A-t-on accordé trop peu de temps à ce donateur ? Peut-on éviter d’en arriver là avec d’autres donateurs ?
- En a-t-on trop promis lors de la phase de sollicitation ? Le projet a-t-il été suffisamment clair dès le départ ?
- Si les raisons de la décision ne dépendent pas de nous, quels facteurs ont pu influencer le donateur ? Que peut-on éventuellement faire pour éviter ces externalités négatives ?
Vertu n°2 : l’humilité
Ce qui dépend de toi, c’est d’accepter ou non ce qui ne dépend pas de toi.
Épictète
L’échec est une crise provoquée par la confrontation de notre volonté au monde réel. Et celui-ci ne va pas forcément dans le sens où nous voudrions qu’il aille.
Aussi belle soit la cause que nous défendions, aussi professionnelle soit notre équipe, aussi impliqués soient nos administrateurs / donateurs / ambassadeurs, le monde a d’autres priorités. Qu’on le veuille ou non, des milliers d’autres organisations sollicitent les mêmes donateurs que nous, et arrivent à décrocher un don avec un argumentaire encore meilleur que le nôtre… Ou même parfois avec moins d’atouts que nous !
Accepter que notre organisation n’est pas au centre du monde fait partie du quotidien du fundraiser.
L’échec remet à sa juste place le projet associatif de notre organisation. L’échec permet une saine remise en question de nos modes d’action et de notre stratégie :
- Sollicite-t-on les bonnes cibles ? Ou notre approche est-elle appropriée pour telle ou telle cible ?
- Le projet associatif est-il suffisamment clair ? Inspirant ? Propose-t-il un véritable projet de société ou d’avenir ? N’a-t-on pas trop tendance à verser dans le jargon ?
- Sommes-nous les plus légitimes pour porter un tel projet ? N’aurait-on pas intérêt à le co-construire avec d’autres associations partenaires ?
Vertu n°3 : la capacité de rebond
Je n’ai pas échoué des milliers de fois, j’ai réussi des milliers de tentatives qui n’ont pas fonctionné
Thomas Edison
L’échec permet de remettre en question ses croyances initiales. Rebondir, c’est trouver la force de rectifier ses croyances initiales et de construire une méthode plus adaptée pour aller vers la vérité ou le succès.
En fundraising, on peut rebondir de plusieurs manières :
- Quelles maladresses ont été commises avec un donateur mécontent ? Dans quelle mesure peut-on les réparer et transformer la relation avec ce donateur ?
- Un prospect n’a momentanément pas les moyens de nous soutenir dans un projet stratégique, qui a pourtant besoin de financements importants. Comment peut-on s’appuyer sur son réseau d’ambassadeurs et de relais pour trouver des financements alternatifs ?
- Notre société d’amis ou club de mécènes a de plus en plus de difficultés à réunir ses membres. Que peut-on proposer de nouveau pour raviver l’intérêt des membres actuels, ou recruter de nouveaux membres ?
Conclusion : peut-on apprendre à « bien échouer » en fundraising ?
Deviens ce que tu es
Friedrich Nietsche
Que l’échec nous donne à apprendre, nous conduise vers davantage d’humilité, ou qu’il nous permette de rebondir, on peut s’accorder à dire que l’échec est une véritable école des soft skills. L’échec serait donc un allié incontestable pour devenir un bon fundraiser (cf. Parenthèse n°5 – On ne naît pas fundraiser, on le devient).
Pour autant un bon fundraiser se doit dès le départ de sortir du « déni de l’échec ».
Loin de moi l’idée de vous inviter à constamment voir le verre à moitié vide ! Je veux simplement dire qu’il faut entrevoir l’échec comme une possibilité à nos actions. Nos méthodes et nos techniques ont beau avoir fait leurs preuves, elles doivent s’adapter de manière permanente à un contexte différent et mouvant.
Enfin, le fundraiser pour avancer doit se défaire de sa culpabilité de l’échec. Pour être convainquant et montrer à sa gouvernance les nouvelles opportunités qui s’ouvrent devant elle, le fundraiser ne doit pas remettre en question sa compétence. Il doit plutôt se saisir de l’échec pour montrer la voie à son organisation vers une saine remise en question.
« Bien échouer » serait donc apprendre à « oser échouer ». Car c’est en échouant qu’on apprend qu’on se relève d’un échec, et donc qu’on sera capable de rebondir.
Signé : Axelle